samedi 12 février 2011

Le label du Lundi #2 : Sarah Records





"Are you scared to get happy?"

Il est de bon ton de rappeler ici que la musique électronique n'est pas le seul genre musical ayant existé sur Terre, quand bien même paraîtrait-il que quelques fluokids y croient dur comme fer.

C'est pourquoi je vais vous parler de « Sarah Records. »

L'histoire tranquille d'un petit couple (Clare Wadd & Matt Heynes) qui, en 1987, décide d'éditer quasi-uniquement sous forme de disques vinyles (de 7") les groupes les moins connus de la scène indépendante britannique, ce jusqu'au décès du label, basé depuis sa naissance à Bristol, en 1995.

Si les écossais de 'Belle & Sebastian' vous parlent, c'est l'heure de se pencher sur ce récit. Label phare de l'indie pop des années 'nineties', le style de la maison s'orientera résolument sur l'axe 'twee pop' / 'shoegaze'.

À tendance tristounette, la 'twee pop' (terme résolument britannique) s'entend dans le dictionnaire comme une musique que l'on qualifierait de « mièvre. » Néanmoins, il ne faut pas sentir ce terme comme étant une qualification purement péjorative, ce serait trop facile.

L'on évoque alors, avec une certaine forme de nostalgie non dissimulée, un genre s'abritant derrière quelques notes de guitare aériennes, quelques accords. La simplicité, tant dans les paroles que dans les sujets abordés, abritée par une présentation délibérément minimaliste, typique chez 'Sarah'. Des pochettes à peu de frais, relatives au peu de moyens ; néanmoins un potentiel esthétique extraordinaire, appuyé généralement sur le bicolore et une sobriété touchante dans la typographie, entre photographies et hommages appuyés à l'art contemporain (Piet Mondrian et le 'De Stijl' comme illustré ci-dessus, par exemple). Rien de spectaculaire, à l'image de la musique éditée, mais un charme singulier.

Car quoi de si fade et sans caractère, voire froid, reconnaissons-le, qu'un groupe d'indie ? Ils ne haussent que peu (sinon jamais) la voix ; pas d'esbroufe musicale ; accords en boucle dont la facilité permet l'ancrage dans l'inconscient sans nulle possibilité de pouvoir s'en départir ; pas de soli de guitare grandiloquents ; quelques claviers discrets. Nous sommes en pleine contestation contre une forme de rock qui a vu leurs aïeux s'y défouler sans commune mesure depuis des décennies, sous tous les angles imaginés et imaginables, il est l'heure de passer à autre chose.

Quelques jeunes individus n'ayant que leur vague-à-l'âme pour seul étendard.

Il n'est alors nulle question ici de jouer les stars, nous aurions plutôt affaire à des minets alcooliques en recherche constante d'absolution par un son pur et lisse comme le verre poli pour les uns, bruitiste et lancinant pour autres amateurs de nappes de guitares anarchiques. Il faudra donc reconnaître, pour ceux qui ont pris le train de la musique des dernières décennies en milieu de chemin, que 'The Pains of Being Pure at Heart' n'a rien inventé et que le Vox AC30 est toujours maître des lieux.

Car si hommage il y a, force est de reconnaître que ce label a fait les choses avec style, ceci conférant au genre ses lettres de noblesse, élégiaques en l'occurrence. Hommages à Johnny Marr et à Morrisey (i.e 'The Smiths'), entre autres 'C86' (cassette éditée en 1986 par 'NME' et dédiée aux nouveaux groupes d'indie de l'année), pour une musique que d'aucun d'entre nous croirait avoir déjà entendu depuis toujours, agitée par ce passéisme adulescent qui prend l'auditeur au tripes. Pas question d'être de bonne humeur, ici, ce sont les règles du jeu.

Huit années, 100 singles, 30 albums, c'est le bilan. Malheureusement, l'Histoire ne fait pas toujours bien les choses et décide d'éliminer cruellement certains participants pourtant méritants, à l'instar de ces acteurs de la musique britannique, que la vague 'britpop' aura écrasé dans les bouquins comme un rouleau-compresseur. C'est ce à quoi j'aurai, au moins, tenté de remédier avec quelques irréductibles rédacteurs tapis plus ou moins dans l'ombre.

'New Musical Express' et 'Melody Maker' poseront l'épitaphe, le 28 Août 1995, titrant « A day for destroying things », pour un label qui aura édité, entre autres, 'The Field Mice', 'St. Christopher' ou 'East River Pipe' (que l'on a l'occasion de re-découvrir cette année au travers de leur nouvel album, 'We live in rented rooms').

Des groupes que sûrement beaucoup de gens n'entendront jamais, c'est dommage, mais vous non et c'est déjà ça de pris.



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1 commentaires:

Blogger Hectorvadair a dit...

A noter que l'écurie Sarah Records s'est déplacée pour deux soirées concert spéciales à paris en Juin 1990. Ont joué : Field mice, Another sunny day, St Christopher et Orchids. Un témoignage (pirate) bientôt disponible.

7 janvier 2013 à 05:52  

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